Droit du sport

Le difficile équilibre du contrat d’engagement républicain avec certaines libertés fondamentales.

Toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention doit souscrire à ce contrat qui engage l’association (ainsi que ses membres) à « respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution », à « ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République » et à « s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public ».

La souscription à ce contrat emporte des conséquences, en effet, le non-respect de ce dernier peut entrainer le retrait des subventions pour l’association ainsi qu’entrainer le remboursement de celles-ci au prorata de leurs utilisations jusqu’au manquement des engagements.

L’adoption d’un tel contrôle renforcé sur les associations et les fondations a fait l’objet d’une analyse poussée face à certaines libertés fondamentales potentiellement remises en cause. Ainsi, lors du contrôle a priori, le Conseil constitutionnel a été saisi de 7 articles de la loi confortant le respect des principes de la République, ce dernier a censuré 2 dispositions et à assortit 2 autres de réserve d’interprétation.

Toutefois, ce contrôle renforcé sur les associations et fondations mis en œuvre au travers de la souscription au contrat d’engagement républicain représente un équilibre difficile à trouver avec certaines libertés fondamentales.

1) Le contrat d’engagement républicain et la liberté d’association

Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 2021 est venu examiner de manière distincte :

  • L’obligation pour une association de souscrire un contrat d’engagement républicain afin de solliciter une subvention publique ;
  • L’obligation pour l’association ou la fondation ayant octroyé la subvention publique d’en exiger la restitution dans certaines hypothèses de méconnaissance par l’association des engagements résultant dudit contrat.

Sur la première obligation, le Conseil constitutionnel a précisé que la souscription au contrat d’engagement républicain ne représentait pas une atteinte à la liberté d’association. En effet, le Conseil précise que cette obligation de souscription au contrat d’engagement républicain pour demander l’octroi d’une subvention « n’a pas pour objet d’encadrer les conditions dans lesquelles [l’association] se constitue et exerce son activité ».

Il est important de préciser que les subventions publiques peuvent représenter une ressource importante et nécessaire pour les associations. En effet, selon l’étude d’impact du projet de loi, 61% des associations reçoivent un financement public et les subventions représentent en moyenne 20% de leur financement.

Ainsi, sur la deuxième obligation, le Conseil constitutionnel précise que le retrait des subventions « ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, conduire à la restitution de sommes versées au titre d'une période antérieure au manquement au contrat d'engagement ».

Par conséquent, cette disposition, au bénéfice de la réserve d’interprétation susvisée, a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. De surcroit, le Conseil constitutionnel a relevé que des garanties procédurales ont été adoptées afin d’encadrer la restitution des subventions. En effet, une procédure contradictoire doit être mise en œuvre, le retrait de subvention doit être motivé et l’association bénéficie alors d’un délai de 6 mois pour restituer les fonds.

Toutefois, il est toujours possible de s’interroger sur l’équilibre obtenu entre le contrat d’engagement républicain et la liberté fondamentale qu’est la liberté d’association.

La liberté d’association a été consacrée par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Cette liberté a été consacrée en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République par une décision du Conseil constitutionnel n°71-44 DC du 16 juillet 1971, dite « Liberté d’association ».

Cette liberté fondamentale bénéficie d’une protection contre l’Etat. En effet, l’article 3 de la loi de 1901 relative au contrat d’association précise que « toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet ».

Pour les associations souhaitant bénéficier d’une subvention (celles-ci étant majoritaires en France), la loi du 24 août 2021 est venue ajouter une limitation à la liberté d’association qui n’est pas prévu par la loi 1901. En effet, l’association doit désormais s’engager « à respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine ainsi que les symboles de la République (…) », « à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République » et « à s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public ».

2) Le contrat d’engagement républicain et la liberté d’opinion

La liberté d’opinion est consacrée à de nombreuses reprises dans différents textes notamment :

  • L’article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 précise que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ».
  • Les alinéas 1 et 5 du Préambule de la Constitution de 1946 disposent respectivement que « le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés » et que « nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ».
  • La Constitution de 1958, telle qu’elle est en vigueur actuellement, précise que la France « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

De surcroit, le Conseil constitutionnel a considéré dans une décision n°77-87 DC du 23 novembre 1977, dite « Liberté de l’enseignement » que « la liberté de conscience doit (…) être regardée comme l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

Ainsi, cette liberté d’opinion entraîne une obligation pour les autorités de l’Etat d’assurer une protection dans le cadre des relations entre particuliers ou encore professionnelles. Cela a notamment été rappelé dans différentes décisions internationales (CEDH, 16 décembre 2008, Khurshid Mistafa et Tarzibachi c/ Suède ou encore CEDH 20 oct. 2009, Lombardi Vallauri c/ Italie).

Ainsi, la liberté d’opinion protège les opinions des individus tant que l’ordre public n’est pas menacé. Avec le contrat d’engagement républicain que doivent souscrire les associations bénéficiaires de subventions, les opinions rencontrées au sein de l’organisme à but non lucratif se retrouvent contrôlées par la personne ayant octroyée la subvention. En effet, si une opinion semble être en désaccord avec les engagements du contrat, l’association ou la fondation pourra se voir retirer son financement public.

3) Le contrat d’engagement républicain et la liberté d’expression

Enfin, la liberté d’expression est liée à la liberté d’opinion. En effet, la liberté d’expression permet de manifester ses opinions et cela de manières diverses.

Cette liberté a été consacrée à de nombreuses reprises concernant les différents moyens de manifester ses opinions :

  • Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°84-181 DC du 11 octobre 1984, dite « Entreprise de presse », a considéré que la libre communication des pensées et des opinions est « une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son exercice est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale ».
  • Il a également consacré la liberté de la communication audiovisuelle ou encore la liberté de la presse respectivement dans les décisions n° 82-141 DC du 27 juill. 1982, « Loi sur la communication audiovisuelle » et la décision de 1984 susvisée.
  • L’article 4 de la Constitution de 1958 dispose que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions ».
  • Enfin, le Conseil d’Etat dans un arrêt du 27 juin 2008 « Mme A. » précise que le décret attaqué ne méconnait « le principe constitutionnel de liberté d’expression religieuse ». Puis, dans une décision du 26 février 2010 « Commune d’Orvault », le Conseil d’Etat reconnait la liberté d’expression comme une liberté fondamentale dans le cadre de la procédure du référé-liberté.

S’agissant de l’encadrement de la liberté d’expression, il est possible de se référer à un texte supranational. En effet, l’alinéa 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme précise que cette liberté peut être soumise « à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui ».

Enfin, le paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention susvisée prévoit également que « la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Par conséquent, le contrat d’engagement républicain qui engage l’association et ses membres semble être une limite renforcée à la liberté d’expression en comparaison aux encadrements prévus par des textes supranationaux. En effet, la manifestation d’opinions constituant un manquement au contrat d’engagement républicain, sans pour autant menacer l’ordre public pou l’intégrité d’autrui, se verrait sanctionnée par le retrait des subventions et la restitution du prorata perçu.

Pour conclure, le contrat d’engagement républicain bien que considéré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel (à propos des articles sur lesquels il a été saisi) présente un équilibre difficile à trouver avec certaines libertés fondamentales telles que la liberté d’association, d’opinion ou encore d’expression. Il représente un contrôle renforcé des autorités, collectivités sur les associations et fondations. Ce dispositif perçu comme un dispositif de défiance envers les associations et fondations subit diverses critiques, à l’image d’une tribune dans laquelle le Mouvement associatif a dénoncé que « la liberté associative se trouve mise en question ».

Victoria DREZE

26 octobre 2022

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